« La Dégringolade des Contentieux » – MAGAZINE #7

25 avril 2019

Professeur de Droit social, avocat spécialiste en Droit du Travail et protection sociale, François Taquet analyse L’Essentiel des Ordonnances Macron dans un ouvrage centré sur les nouvelles relations entre employeurs et salariés. Décryptage…

Propos recueillis par Jocelyne Vidal – Article issu du Magazine Terrésens 7

Comment est née l’idée de cet ouvrage ?

François Taquet. C’est tout simplement un ouvrage lié à l’actualité. Les français ont beaucoup entendu parler des ordonnances Macron. Il était utile d’en faire le point d’autant qu’après les ordonnances, certains textes sont venus corriger la réforme. Et puis, il a fallu attendre la parution des décrets pour avoir un arsenal complet permettant de faire une synthèse ! Ce livre est à jour de l’ensemble des réformes…

Quelles sont les ordonnances qui vont le plus favoriser l’innovation et la compétitivité des entreprises ?

F.T. Pratiquement, les ordonnances Macron, ce sont six ordonnances qui traitent de nombreux points touchant au droit du travail au quotidien. Je citerai notamment l’assouplissement de la hiérarchie des normes (qui permet dans certains domaines à un accord d’entreprise de prévaloir sur un accord de branche), la facilité donnée aux TPE de formaliser des accords d’entreprise par référendum, les nouvelles garanties données aux employeurs dans le cadre du licenciement (barème d’indemnités de rupture abusive, possibilité pour l’employeur de préciser après coup les motifs du licenciement…), la réduction du délai de prescription pour attaque d’un employeur suite à un licenciement (un an…contre 30 ans avant 2008), la création d’une rupture conventionnelle collective (sur le modèle de la rupture conventionnelle individuelle) dès lors que l’entreprise, sans motif particulier décide de se séparer d’un groupe de salariés… Toutes ces mesures devraient, dans le dialogue introduire de la simplicité, de la souplesse et contribuer à ce que l’employeur n’ait plus peur d’embaucher ! Car, il avait été relevé que pour certains employeurs, la peur de la rupture du contrat de travail et des indemnités à payer, constitue un frein à l’embauche.

Comment les entreprises se sont-elles appropriées ces ordonnances ? Remettent-elles en question des accords de branche ? Ont-elles procédé à de nombreuses ruptures conventionnelles collectives ? Comment évolue le nombre des saisines aux Prud’hommes ?

F.T. Une réforme met toujours du temps à engendrer des résultats. Il convient en effet que les employeurs s’approprient les ordonnances. Il est trop tôt à ce jour pour donner des chiffres… Toutefois, l’un des effets visibles des réformes entreprises est la chute vertigineuse des contentieux devant les tribunaux

L’année 2017 a enregistré 127 000 contentieux devant les Conseils des prud’hommes, soit une baisse de 15% par rapport à 2016. Mais cela n’est pas dû aux ordonnances Macron qui n’étaient pas applicables à l’époque. C’est davantage lié à un cumul de phénomènes : la rupture conventionnelle (qui pratiquement permet à un employeur et un salarié de se quitter en dehors de tout contentieux), le développement de la médiation, le formalisme imposé aux salariés qui entendent mener une action… L’ensemble de ces éléments contribue à la dégringolade des contentieux qui devrait se poursuivre dans un proche avenir avec les réformes promulguées !

Le but des ordonnances favorisant la négociation au sein des entreprises est-il en voie d’être atteint ?

F.T. C’est une véritable question. C’est en tout cas le souhait légitime que doit avoir tout pouvoir politique de développer le dialogue social dans l’entreprise. Le problème est que les syndicats de salariés sont sous-représentés en France. Sait-on qu’à peine 8% des salariés adhèrent à un syndicat? C’est deux fois moins qu’en Allemagne, et trois fois moins qu’au Royaume-Uni. La moyenne européenne est d’environs 23%. Le gouvernement, par cette réforme entend développer la négociation collective. Encore convient-il que les syndicats de salariés se montrent crédibles afin de constituer une véritable force de dialogue.

Quel impact ces ordonnances peuvent-elles avoir sur l’emploi ?

F.T. C’est beaucoup trop tôt pour le dire. Mentionnons toutefois que ce n’est pas le droit qui crée de l’emploi, mais l’économie… ! Si l’employeur a du travail, il embauchera ! Le législateur peut juste contribuer à l’embauche en assouplissant les conditions d’emploi, en retirant les entraves inutiles au recrutement… Ces ordonnances y contribuent ! Maintenant, cela suffira-t-il ? On s’aperçoit en effet que dans bien d’autres domaines, les relations de confiance entre administrations et entreprises (avec le fisc ou l’URSSAF par exemple) essentielles pour l’embauche, n’existent pas ! Or, cela nuit gravement à l’emploi !

L’Essentiel des Ordonnances Macron de François Taquet, 23 € chez Gereso Edition

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