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Déjeuner de campagne « 3 étoiles » chez Troisgros – MAGAZINE #6

14 août 2018

Le nouveau temple du goût déploie ses parois de verre à Ouches, dans la Loire, entre chênes séculaires, étang et champ de trois mille graminées. Visite guidée.

Propos recueillis par Jocelyne Vidal – Article issu du Magazine Terrésens 6

Dépaysement garanti, « Ouches, c’est un peu la clé de tous les possibles », confirme Michel Troisgros en vous accueillant sous le « ventre de la baleine ». Une structure de fer forgé aux lignes audacieuses rythme le parcours initiatique d’un nouveau temple du goût. Ses trois étoiles brillent du plus vif éclat dans la luxuriance d’un parc adossé au vignoble de la Côte Roannaise, entre jardin écologique et champ de trois mille graminées..

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Comment est né le concept de la nouvelle Maison Troisgros ?

Michel Troisgros. La découverte de cette demeure d’industriels roannais nous a incité à nous projeter dans le futur. De la même manière que mes grands-parents Jean-Baptiste et Marie Troisgros avaient quitté leur café de Chalon-sur-Saône pour reprendre en 1930, l’Hôtel des Platanes, face à la gare de Roanne, Marie-Pierre mon épouse et moi-même, souhaitions donner à nos enfants, un outil qu’ils puissent façonner à leur gré. Cela n’était plus possible place de la Gare, pour des raisons de nuisances urbaines. Il nous fallait de l’espace, sur le plan physique et mental, pour nous ouvrir encore davantage au monde.

Avec son parc de dix-sept hectares, son étang de quatre hectares et ses sept hectares de bois, la maison des Crouzet, industriels du textile, nous a donné l’opportunité de faire d’une envie personnelle, un projet collectif. Ainsi, lorsque nous avons acquis il y a quatre ans, ce manoir d’inspiration italienne et ses bâtiments fermiers, nous avons eu l’idée de valoriser la ruralité de cette belle bâtisse du XVIIIème siècle.

Qui a assuré la traduction architecturale de ces principes ?

M.T. Patrick Bouchain. L’homme pourrait se définir comme un architecte locavore. Avec son équipe de dix-huit corps de métiers, venus des environs plus ou moins immédiats d’Ouches, il a construit local. Il a pratiqué, un peu à la manière d’une « cuisine des restes », une architecture de la récupération et du réemploi, ce qui permet au bâtiment de se fondre dans la nature environnante. Nous avons donc opté pour un cheminement de nos hôtes à travers un ensemble de petites unités agricoles : un poulailler, un fournil, une ancienne porcherie. Arrivé sous la coupe d’une grange à la haute toiture pointue, on retrouve dans l’ancienne ferme, les lieux de la production : la cuisine, la cave, la sommellerie, le restaurant, l’accueil…

Habillée de tôle, la cuisine se présente comme un vaste atelier de fabrication, coiffé d’une haute cheminée pyramidale et baigné de la lumière d’un sous-bois. Ici, la lumière est partout, elle s’offre à nous pour nourrir notre inspiration, au rythme des couleurs des jours et des saisons… Ce souci de clarté justifie la présence de fenêtres laissant entrevoir quelques-unes des mille références de la cave, dans l’allée qui mène à la salle à manger. Dressées face aux graminées qui ondulent derrière les parois de verre, les tables semblent immergées en pleine forêt. Les piliers de soutien de la toiture prolongent la perspective des troncs sous un plafond décoré de paniers d’étoffes roannaises.

Enfin, après avoir traversé le foyer où une lampe Art Déco souligne l’envolée d’une vertigineuse cheminée – une réminiscence des palais de Cintra et Topkapi ! – on s’installe côté bar, dans les fauteuils Mushroom de Pierre Paulin. Des carreaux artisanaux assurent la continuité entre le bar et la terrasse grande ouverte sur l’étang et l’allée des Charmilles.

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Cette soif de nature vous engage d’emblée dans une démarche éco-responsable ?

M.T. Nous avons effectivement initié un potager, un verger, un jardin d’herbes et d’aromates. Mon fils César, chef de 30 ans qui officie en cuisine à mes côtés, est un passionné de biodiversité. Au printemps prochain, nous cultiverons un jardin en permaculture afin d’y développer des plantations éco-responsables et inspirées des savoir-faire traditionnels.

Parallèlement à cette démarche respectueuse des sols et garante de la diversité des cultures, César œuvre pour le maintien de la fève d’Auvergne. Nous participons à un autre programme de sauvegarde pour le maintien et le développement de la culture d’un pois gourmand. Militer pour les espèces oubliées, c’est lutter contre la standardisation du goût en préservant notre santé et celle des générations futures.

Comment définiriez-vous l’originalité de ce nouveau temple du goût ?

M.T. Troisgros-Ouches est une maison contemporaine personnalisée. On y respire la liberté de créer, de composer en cuisine comme en architecture d’intérieur. Un domaine où excelle Marie-Pierre, mon épouse qui a l’art de mettre en scène des collections insolites. Elle sait accorder leur juste place à de beaux objets comme aux œuvres d’artistes que nous acquérons en concertation avec nos collaborateurs. D’où la présence de portraits warholiens de Traquandi à l’entrée du « Salon des Rêves », aux murs vert tendre assortis à la nature environnante et réchauffé l’hiver, d’un bon feu de cheminée.

Là, comme dans les quinze chambres de «La Grande Maison » et de la « Maison des Kakis», le confort n’a rien d’ostentatoire. L’accrochage d’œuvres contemporaines de notre collection personnalise le décor d’une demeure qui respire nos choix, reflets de son âme.

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