Paroles de chef zéro carbone… – MAGAZINE #5

13 novembre 2017

Chez François Pasteau, la planète est bien dans son assiette. Chef cuisinier et propriétaire de l’Epi Dupin à Saint-Germain-des-Prés, François Pasteau sublime les légumes, fruits de saison et poissons durables. Distingué par la Cop 21, du trophée « Solutions Climat mention coup de cœur PME », ce visionnaire nous livre, par le menu, les temps forts de sa révolution verte.

Propos recueillis par Jocelyne Vidal – Crédits Photos : François Pasteau – Article issu du Magazine Terrésens 5

À quand remonte votre prise de conscience écologique ?

Attentif depuis toujours, aux gestes éco citoyens les plus simples, qu’il s’agisse d’éteindre les lumières d’une pièce inoccupée ou d’éviter de laisser l’eau couler inutilement, j’ai approfondi ma réflexion sur l ‘écologie lors de la création il y a 21 ans, de mon restaurant parisien l’Epi Dupin, à deux pas du Bon Marché. À une époque où l’on consommait de plus en plus de poissons, j’ai eu la chance de rencontrer Elizabeth Vallet, directrice de l’ONG Sea Web Europe qui sensibilise tous les acteurs de la filière à la préservation des océans et de leurs ressources halieutiques.

J’ai soutenu d’emblée, la cause de Sea Web Europe, en utilisant seulement dans mon restaurant, les poissons dont les réserves naturelles sont assez importantes pour ne pas mettre en péril les espèces. Devenu président de la filière France de cet ONG, j’ai mis en place d’autres pratiques visant le respect du produit et la lutte contre le gaspillage alimentaire. Ne pas jeter la moindre feuille de légumes ni les plus petits flancs de poissons, pour en faire des amuse-bouche, c’est une façon de cuisiner intelligente, durable et économique car l’achat de produits de qualité limite toujours les pertes.

Comment fonctionne votre laboratoire culinaire ?

Ce laboratoire assure le tri des bio déchets récupérés par une start up. Laquelle les achemine vers un organisme qui les méthanise. Un procédé unique et coûteux : la récupération des bio déchets s’élève à 3 500 à 4000€ par an alors que la taxe d’ordures ménagères ne coûte que 240€. Mais cette dépense fait partie de mon engagement en faveur de la nature, au même titre que l’utilisation d’eau micro filtrée dans mon restaurant bistronomique qui a recours à l’énergie verte d’Enercoop, fournisseur français d’électricité d’origine renouvelable.

Être un acteur positif du développement durable s’avère avant tout, une question de bon sens, de respect du produit et des hommes qui le façonnent. Ainsi, il y a un an et demi, j’ai eu l’idée de créer l’association « Bons pour le climat » en découvrant que 27% des gaz à effet de serre proviennent de notre alimentation, particulièrement de la viande. Or nous sommes passés d’une consommation de 150 g par personne et par jour en 1950, à 250 g aujourd’hui. Sachant qu’il faut 7kilos de céréales et 14 000 litres d’eau pour produire un kilo de viande, il suffit de diviser par deux la taille d’un steak dans notre assiette, pour réduire de moitié notre impact !

Parlez-nous de votre parcours, des figures de la gastronomie qui vous ont influencé 

À Paris, j’ai eu la chance de grandir rue Blomet au cœur du XVème arrondissement, dans une maison avec jardin où une tortue côtoyait tourterelles et lapins ! L’autre chance de ma vie est d’avoir déclaré tout à fait par hasard, que je voulais être cuisinier quand mon orientation en cycle court s’est imposée à l’âge de 15 ans et demi. Bachelor de l’Ecole Française de Gastronomie Ferrandi en poche, j’ai réalisé mon rêve américain en travaillant quatre ans dans le Connecticut.

De retour en France où j’avais exercé aux côtés de Michel Kérever au Duc d’Enghien, de Joël Robuchon chez Jamin et de François Clerc à Maisons Laffite, je me suis installé en mars 1995 à l’Epi Dupin. Avant qu’on ne parle de bistronomie, j’ai eu plaisir à créer un bistrot de chef proposant une cuisine de qualité et de bons produits à des prix raisonnables.

Comment conciliez-vous la gastronomie avec vos exigences écologiques ?

La gastronomie et la restauration responsable sont régies par le même culte du bon produit. Cela suppose un approvisionnement local, auprès des maraîchers et des éleveurs franciliens, sans oublier le carreau de Rungis, ni ma parcelle de légumes bio au Château de Courances dans l’Essonne. Cueillis le matin, servis à midi, ces légumes n’ont rien à voir avec ceux qui ont voyagé sur 800km en chambre froide.

En se régalant d’asperges d’Argenteuil à la crème de Comté, de filets de chinchard en croûte de noisettes servis avec une poëllée de blettes ou d’un lièvre à la royale accompagné d’une mousseline de panais, le consommateur apprend à se réapproprier un terroir, à devenir à chacun de ses repas, l’acteur de son bien être et du respect de l’environnement, tout cela en se faisant plaisir : un plat se doit d’être bon pour le palais, la santé et la planète, voilà ma règle d’or !

Restaurant L’Epi Dupin – 11, rue Dupin à Paris 75006 – Téléphone : 01 42 22 64 56

 

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