Les nouvelles règles de la succession – MAGAZINE #5

11 octobre 2017

À l’heure où seulement 5% des résidences principales des baby boomers sont reprises par leurs héritiers, la transmission du patrimoine immobilier doit favoriser « l’épargne indolore » d’une jeune génération en pleine mobilité professionnelle.

Textes par : Jocelyne Vidal – Article issu du Magazine Terrésens 5

Assouplies et modernisées pour tenir compte de l’allongement de la vie et de la multiplication des familles recomposées, les règles de la succession n’en sont pas moins devenues plus complexes. Que l’on souhaite protéger son conjoint ou ses enfants, que l’on s’attache à contenter tout le monde ou simplement à faire baisser la note des droits successoraux, la consultation d’un notaire s’impose pour opérer les bons choix.

Sitôt effectué le bilan de son patrimoine, on prendra soin d’évaluer les biens qui le composent. Il conviendra d’analyser aussi la rentabilité de ses placements dans la perspective d’une transmission qui exige de doser les risques en fonction de son âge, de ses ressources financières et de la situation professionnelle de ses héritiers.

 

Budgéter 5000€ par mois pour la maison de retraite

« Compte tenu de la mobilité de la population, moins de 5% des résidences principales transmises par les baby boomers à leurs enfants, sont aujourd’hui reprises par des héritiers éloignés de leur région d’origine par la mobilité professionnelle. Effet du vieillissement de la population, les héritiers sont déjà propriétaires de leur maison quand survient le décès de leurs parents ; par ailleurs, le fait que plusieurs enfants aient à se partager l’héritage de la demeure familiale suppose des rachats de parts trop onéreuses pour celui qui souhaiterait en bénéficier»,  souligne Me Jean-Louis Costes, notaire à Bourgoin, dans l’Isère.

Si l’on acquiert des biens immobiliers pour les transmettre à ses enfants, il est important de tenir compte des changements intervenus dans la perception de la transmission de notre résidence principale. S’il était naturel autrefois de léguer à ses enfants la nue propriété d’une maison ou d’un appartement dont on gardait l’usufruit, l’allongement de la vie oblige un couple âgé à séjourner en maison de retraite, moyennant environ 5 000 euros de dépenses mensuelles. En l’absence d’économies, ils seront obligés de vendre leur maison pour subvenir à leurs besoins.

 

Faire de la résidence principale son capital de réserve

D’où l’intérêt de préserver sa résidence principale comme capital de réserve : ses propriétaires seront exonérés d’imposition sur la plus-value lors de la revente, ce qui ne sera pas le cas pour les enfants. Ces derniers pourront aussi être amenés à rembourser les frais de séjour couverts par le Département en faveur de leurs parents, s’ils n’ont pas eu les moyens de boucler un budget susceptible de rendre déficitaire une succession à laquelle ils auront alors le droit de renoncer.

Lorsqu’il s’agit de transmettre à ses enfants, un autre bien immobilier, telle une résidence secondaire, la SCI s’avère un bon moyen de pérenniser une propriété familiale. Rappelons à ce propos, que le capital de la société (correspondant à la valeur du bien immobilier) est divisé en parts sociales que l’on peut donner en une ou plusieurs fois, en optimisant les abattements fiscaux. Par ailleurs, la liberté de rédaction des statuts de la SCI à laquelle les enfants sont intégrés comme associés, permet aux parents de transmettre un bien tout en conservant sa maîtrise : ils peuvent ainsi donner à leurs enfants la nue propriété des parts d’une SCI, dont ils gardent l’usufruit, les droits étant calculés en fonction de leur âge au moment de la donation.

 

A l’étranger, le sol fait loi

En cas de propriété acquise à l’étranger, la succession est réglée selon la loi applicable dans les pays de l’Union Européenne (exceptés le Danemark, l’Irlande et le Royaume Uni) où le défunt avait sa résidence, précise le règlement publié par le Journal Officiel de l’Union Européenne le 27 juillet 2012. Certains états reprenant possession de terrains vendus à des particuliers au bout de 50 à 99 ans, mieux vaut se renseigner auprès des ambassades des pays où l’on projette un investissement immobilier.

Sur un plan général, la transmission du patrimoine parental doit permettre aux enfants de se constituer « une épargne indolore ». Contrairement aux bénéficiaires des « 30 glorieuses », ils ont rarement eu l’opportunité d’économiser assez d’argent pour devenir propriétaire d’une maison ou d’un appartement. Leur donner les moyens de rembourser sereinement un emprunt, s’avère un choix judicieux, sachant que la loi de finances rectificative de l’été 2012 permet à un enfant de recevoir de chacun de ses parents, sans payer de droits, la somme de 100 000 € tous les quinze ans. Ajoutez la possibilité pour chaque parent d’un âge inférieur à 80 ans, de donner en franchise d’impôt, jusqu’à 31 865 €, tous les quinze ans, à chacun de ses enfants âgés d’au moins 18 ans, pour optimiser ses droits de succession.

Gare au testament de papier mâché !

L’adoption simple d’un enfant d’au moins quatre ans et demi, présentant un écart d’âge d’au moins quinze ans avec l’adoptant, entre autres dispositions exigées par le Code Civil, permettra également à un couple sans descendants directs, de transmettre ses biens à un proche. En cas de remariage, l’époux qui n’a pas d’enfant pourra également adopter l’enfant de son conjoint et lui éviter à son décès, le règlement de 60% de droits de succession, précise Me Jean-Louis Costes.

Gage d’une transmission sur mesure, la rédaction d’un testament offre trois possibilités : la plus simple, le testament olographe, écrit de la main du testateur, doit être clairement rédigé, daté et signé. Recommandé pour les personnes vulnérables, le testament authentique est un acte public, fait devant notaire et reçu en présence de deux témoins ou de deux notaires. Quant au testament « mystique », au nom inspiré de sa nature secrète, il comporte les dernières volontés du testateur, cachetées et scellées devant notaire.

Aux lendemains du décès, les légataires pressentis sont convoqués pour l’ouverture du testament mystique. Un cérémonial dont un confrère du notaire isérois vécut une version très théâtrale : « De peur de ne pas figurer parmi les héritiers dont le notaire avait commencé à lire les noms, un homme lui a arraché le testament des mains, l’a mâché, avalé, infligeant dans la foulée dix ans de procédure à la famille du défunt pour retrouver ses légataires ! ».

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